Martine Storti, ancienne figure du Mouvement de Libération de la Femme, dans son livre "Pour un féminisme universel", analyse et critique les positions des féminismes contemporains, qui, divisés et mélangés avec d'autres luttes, en oublient l'essentiel : le droit des femmes.
Elle dénonce notamment le simplisme, la "bouillie" conceptuelle que représente le "féminisme décolonial" (entendre le combat des femmes "non-blanche" ou autrement appelées "racisées"). Un système que consiste à globaliser, à amalgamer pour disqualifier. Comme avec le concept de "féminisme blanc", qui n'est qu' "une construction idéologique globalisante et disqualifiante."
C’est quoi exactement le féminisme blanc ? Le féminisme des blanches ? Toutes les blanches pensent-elles de la même manière ? Bien sûr que non. Quand je pose la question, on me répond que ce n’est pas lié à la couleur de peau mais à un positionnement idéologique. Mais alors, lequel ? Plusieurs autres adjectifs sont utilisés : « bourgeois », « mainstream », « civilisationnel », « raciste », présentés comme des synonymes de « blanc ». Il s’agit d’un fonctionnement à l’homogénéisation qui fait croire qu’il n’y aurait que deux courants féministes : le féminisme décolonial d’un côté, le féminisme blanc de l’autre, comme si toute critique ou réserve à l’égard du premier vous mettait forcément dans le camp des racistes.
Elle y critique également le concept d'"intersectionnalité" (qui vise à révéler la pluralité de discriminations de classe, de sexe et de race) mais qui a pour effet pervers de hiérarchiser les discriminations, en enfermant les membres dans des communautarismes et en reléguant au second plan la condition féminine.
"l’intersectionnalité est un outil de stigmatisation disqualifiante, d’où ma formule « du concept au slogan ». Avoir la moindre réserve à l’égard de l’intersectionnalité c’est risqué d’être accusé de racisme, d’être du côté des blancs, des dominants. Deuxièmement, l’intersectionnalité qui normalement doit dire le croisement aboutit trop souvent hélas à une hiérarchie des luttes, en considérant la lutte antiraciste comme prioritaire par rapport à la lutte pour l’émancipation des femmes. D’où des injonctions à ne pas dénoncer le sexisme ou les violences sexuelles si elles émanent de sa « communauté ». La trahison de « race » ou de « communauté » s’est substituée à la trahison de classe. Il y a comme un enfermement dans sa communauté et dans une identité figée."
Face à cette tendance à vouloir fragmenter le mouvement féministe à le radicaliser, Martine Sorti appelle à revenir à un féminisme universel.
Comments