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Olivier VIAL, Président de l'UNI et directeur du CERU - le laboratoire d’idées universitaire en charge du programme de recherche sur les radicalités, rédige chaque semaine pour le site Atlantico une chronique.
Découvrez celle de cette semaine, au sujet de Jordan Peterson, professeur émérite de l’Université de Toronto, dans le viseur des woke.
Il lui est notamment reproché de ne pas vouloir utiliser les pronoms choisis par les personnes transgenres.
Le Collège de Psychologie de l’Ontario (Canada) a condamné, le 22 novembre dernier, l’un de ses praticiens les plus éminents, le Dr. Jordan Peterson, à suivre « un programme de formation continue » pour maîtriser l’usage public des réseaux sociaux sous peine de perdre la licence lui permettant d’exercer. À quoi peuvent bien servir ces cours qui lui seraient tout de même facturés 225 dollars de l’heure ? À maîtriser les subtilités de twitter pour développer sa communauté ? Si tel était l’objectif, c’est plutôt lui, avec ses 15 millions de followers dont 3,7 millions sur twitter, qui aurait des choses à apprendre au Collège de Psychologie de l’Ontario qui peine à dépasser les 2 200 abonnés. Le but, en réalité, est tout autre. Cette offre de « coaching » se propose d’enseigner au célèbre thérapeute les thématiques ainsi que les mots qu’il serait autorisé à utiliser dans ses prises de position publiques sur les réseaux sociaux afin de ne pas heurter la sensibilité de certains internautes et de ne pas nuire à l’image de sa profession.
Une version woke des Laogaïs, ces camps de rééducation que Mao avait fait fleurir à travers la Chine pour prendre en charge les « déviants » du régime. Désormais, une nouvelle forme de révolution culturelle s’attaque à tous ceux qui ne seraient pas suffisamment « éveillés » aux injustices, surtout si elles sont invisibles, commises pour asseoir la domination de l’homme-blanc-cis-hétérosexuel-de-plus-de-50-ans. Chacun est appelé à faire son autocritique afin d’expier non pas ses fautes, mais ses privilèges. Les gardes rouges ont été remplacés par une galaxie d’hyper sensibles agressifs. Un mouchoir dans une main, ils hurlent que le moindre mot les blesse. Tandis que de l’autre, ils distribuent les ukases ou les excommunications, quand ils n’empêchent pas physiquement une conférence ou une pièce de théâtre de se tenir. C’est ainsi que plusieurs d’entre eux ont porté plainte auprès du collège de psychologie de l’Ontario, se disant meurtris par certains tweets de Jordan Peterson. Il est, par exemple, reproché au Professeur émérite de l’université de Toronto de ne pas vouloir utiliser les pronoms choisis par les personnes transgenres. En donnant du « il » à un homme biologique qui se considère femme, il s’est rendu coupable de mégenrage, une nouvelle forme d’outrage puni de bannissement sur les campus américains. D’autres lui reprochent d’avoir dénigré les personnes en surpoids en dénonçant l’esthétisation de corps atteints d’obésité morbide par certains activistes des Fat studies. Ce nouveau champ de recherche, qui s’inspire des études de genre, souhaite déconstruire les stéréotypes que véhiculent nos sociétés sur l’obésité. L’idée n’est pas de réclamer le respect, tout à fait naturel, pour les personnes en surpoids, mais d’imposer l’idée que cela serait un choix. Ce mouvement de « fat acceptance » s’oppose ainsi à la science et aux médecins qui s’inquiètent des effets du surpoids sur la santé. En France, Gras politique, une association qui se définit comme queer et féministe, est allée jusqu’à publier une carte des soignants qui pratiquent ce qu’elle appelle la « grossophobie médicale ».
En dénonçant ces posts au Collège de Psychologie de l’Ontario, ces activistes ont souhaité « effacer » non seulement des propos au motif que ceux-ci les dérangent, mais également bannir du champ social leur auteur en faisant pression sur l’instance qui régule sa profession. On oublie trop souvent que la Cancel culture ne se limite pas à gommer des idées, elle vise surtout à persécuter leurs auteurs. En faisant pression sur les employeurs et les proches de leurs cibles, ces petits Fouquier-Tinville de l’ordre « woke » souhaitent ainsi faire comprendre au reste de la société que défendre certaines opinions peut coûter socialement très cher (perte d’emploi, isolement…). Les exemples ne manquent pas. En mai dernier, c’est l’un des principaux cadres de HSBC, Stuart Kirk, qui avait été attaqué pour avoir soutenu que les investisseurs n’avaient aucune raison « d’être préoccupé par le risque climatique » montrant notamment dans un graphique que plus les spécialistes du climat sont pessimistes, plus la bourse monte. Sa démonstration avait été jugée climato-sceptique par des représentants de l’ONG « Bank on our future » qui avait interpellé la direction de son groupe. Ce dernier a immédiatement suspendu le collaborateur « fautif ».
Malheureusement, en quelques années cette culture de l’annihilation s’est répandue notamment chez les jeunes. En février, la société Kapersky avait réalisé une enquête réalisée auprès des 16-35 ans dans 9 pays européens, dont la France. 52 % du panel estimait que même d'anciennes publications (quel que soit le délai) jugées polémiques peuvent justifier l'annulation d'un contrat, d'une embauche ou de tout autre partenariat pour des célébrités.
L’emprise de la cancel culture menace désormais tout le monde. Selon la même étude, 30 % des jeunes admettent qu'une publication a déjà nui à leur carrière. 68% des sondés affirment avoir déjà modifié ou supprimé des publications qui ne leur semblaient plus acceptables socialement.
Le capitole n’a jamais été aussi proche de la roche tarpéienne. Tout le monde peut un jour ou l’autre être ainsi traqué et dénoncé pour ses idées mêmes anciennes qui ne seraient plus au goût du jour. Alors, après Jordan Peterson, à qui le tour ?
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