Elle appelle ça « une prise de conscience » ou encore « une contribution à la construction de ses convictions féministes ». Marine Claeys, une traductrice professionnelle, qui jusqu'ici proposait ses services en anglais et allemand, vient d'ajouter une nouvelle langue de traduction à son offre : la langue non sexiste.
Le déclic a eu lieu, alors qu'elle participait à un groupe de travail sur l'écriture inclusive - organisé par la Société française des traducteurs. Sic !
« Il ne faut pas sous-estimer ce que le langage véhicule, affirme Marine Claeys. C’est une question de visibilité. » Selon elle « passer d’un texte très genré à un texte non sexiste, c’est très proche de la traduction ». « Il s’agit de garder le message en changeant le langage. »
Cette volonté de promouvoir une « langue neutre » s'inspire notamment des travaux de Judith Butler, l'une des théoriciennes de la pensée Queer. « Ni la grammaire ni le style ne sont neutre du point de vue politique » affirme-t-elle dans son désormais célèbre ouvrage Trouble dans le Genre [1]. La principale chef de file des théoriciens du genre reprend en effet à son compte l’idée féministe selon laquelle les codes régissant les langues sont en fait un moyen de conserver l’ « hétéronormativité » [2] et d’assurer l’« hégémonie hétérosexuelle » [3]. Idées défendues notamment par Monique Wittig. Selon elles, les normes grammaticales auraient été inventées pour assurer la suprématie de l’homme sur la femme.
L'utilisation d'une « langue neutre » serait ainsi le moyen militant de lutter contre la domination patriarcale et la binarité des sexes. Avec une présentation aussi clivante et radicale, difficile d'attirer de potentiels clients. C'est, sans doute, pour cela, que pour recruter ses futurs clients, Marine Claeys préfère insister sur le prétendu risque juridique que ces derniers supporteraient s'ils « rédigeaient une annonce d’emploi au masculin », confondant ( volontairement ? ) l'interdiction de la discrimination sur la base du sexe ou de la sexualité des candidats avec l'utilisation du genre grammatical dans la rédaction d'un texte.
On n'est plus à cela près.
[1] Judith Butler, Trouble dans le Genre, Le féminisme et la subversion de l’identité, La découverte, Paris, 2006, p.41
[2] Ibid. p.32
[3] Ibid. p.33
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