« Les temps tranquilles sont derrière nous. » Cette mise en garde que Mathieu Bock-Côté adresse à ses lecteurs sonne comme la devise d’une Maison de «Game of Thrones ».
« Nous sommes contemporains de la fin de la démocratie apaisée. Si la vie politique occidentale est redevenue passionnelle, pour le meilleur ou pour le pire, c’est qu’elle porte désormais sur l’existence même des nations qui la composent et de la civilisation dans laquelle elles s’insèrent. »
L’enjeu est majeur ; pourtant, tout est fait pour rendre impossible un tel débat. Le champ politique n’est plus le lieu où l’on échange des arguments. Il est désormais un terrain de bataille où s’affrontent le bien contre le mal, les personnalités respectables contre celles qualifiées de sulfureuses, les raisonnables contre les extrémistes.
Dès lors, la question se pose. Qui fixe les règles du jeu démocratique ? Qui distribue les rôles? Qui vous assigne du côté des « gentils » ou de celui des « affreux » ? Qui juge que vous avez « dérapé » ? C’est à cette interrogation que Mathieu Bock-Côté tente de répondre dans son dernier livre « L’empire du politiquement correct ». Le sociologue québécois scrute les mécanismes sur lesquels se fonde la « respectabilité politico-médiatique » dans nos sociétés occidentales. Dans une démonstration très documentée, il pointe le rôle de « l’utopie diversitaire », dont le credo : « la diversité est une richesse » est devenue le « grand inquestionnable du moment. »
Pour s’imposer cette idéologie a fixé préalablement le cadre dans lequel le débat était autorisé à se tenir. Pour cela, elle a préféré disqualifier moralement ses contradicteurs plutôt que de réfuter leurs arguments. Elle les a menacés, culpabilisés, les condamnant à se sentir marginaux même quand leurs positions étaient majoritaires.
Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Depuis les années 60, nos universités sont le théâtre d’une pensée radicale qui prône la « déconstruction » systématique et totale.
«L'extinction de la civilisation occidentale serait la condition d'un surgissement d'une humanité diversitaire. La dynamique engagée dans les radical sixties poussait à la critique de toute norme sociale instituée, pour la faire apparaître dans un rapport de domination à abolir entre majorité et minorité. La famille, l'école, la nation devaient être déconstruites avant d'être reconstruites en suivant les plans de la maquette diversitaire, cette logique poussant même jusqu'à la déconstruction des identités sexuelles.»
Depuis les années 2000, le politiquement correct s’est radicalisé. « Il a transformé la haine de l’Occident en savoir scientifiquement reconnu » et même enseigné. C’est ainsi que cette pensée a infusé l’ensemble des corps de nos sociétés, universités, médias, institutions publiques, juridictions …
Les multiples et variés « lobbies d’offusqués professionnels » ont joué le rôle de l’artillerie pilonnant le débat public de leurs prétendus états d’âmes pour mieux le restreindre. Tout ce qui peut être ressenti, par l’un de ces groupes, comme un facteur d’oppression, de domination, ou de discrimination doit être banni du la sphère publique. En interdisant ainsi le débat, ils espéraient remporter la victoire idéologique sans avoir réellement à combattre.
Et s’il est vrai que pendant longtemps une forme d’auto-censure a semblé atteindre leurs adversaires, un frémissement contraire se fait désormais sentir. Certains, optimistes, ont un peu vite pris ce frémissement pour un tremblement de terre. Fort de son expérience, Mathieu Bock-Côté, invite à la modestie : « la gauche a été si longtemps hégémonique qu'il lui suffit d'être contestée pour se croire assiégée, et la droite a été si longtemps condamnée au silence qu'il lui suffit d'être entendue pour se croire dominante. » Loin s’en faut ! Le système politiquement correct se durcit à chaque fois qu’il se sent contesté. Les ukases et les excommunications vont pleuvoir ! C’est pourquoi, l’auteur invite ceux qui aujourd’hui serait prêt à se lever contre « l’empire du politiquement correct » à puiser leurs arguments, leurs valeurs et leurs inspirations dans un conservatisme enraciné et assumé. Un conservatisme qui ne se résume pas à défendre le passé, mais au contraire, à défendre ce qui ne passe pas, ce qui est permanent.
Un livre indispensable pour affronter les débats politiques qui s’annoncent. « Les temps tranquilles sont derrière nous. »
Comments